mercredi 23 septembre 2009

Hommage à Emile Reynaud

En 2002, l’Association internationale du film d’animation (Asifa) alors présidée par le réalisateur portuguais Abi Feijo lance la Journée mondiale du film d'animation. L'idée est simple : promouvoir le film d’animation à travers une multitude d’événements au même moment partout dans le monde pour rendre ses lettres de noblesse à cet art longtemps mésestimé et en plein développement.
La date symboliquement choisie fut celle du 28 octobre, qui vit à Paris, au Musée Grévin, en 1892, la première projection publique de dessins animés par son inventeur Émile Reynaud (1944-1918).
Profitons de l’occasion pour apporter quelques éclairages historiques sur ce pionnier du cinéma d'animation.

Une genèse originale
Au 19e siècle, après l’invention des lanternes magiques, de nombreux scientifiques se lancent le défi de mettre les images en mouvement. En résultent des jouets optiques variés comme le thaumatrope (1820 – disque de carton dessiné sur chaque face et relié à deux bouts de ficelles que l’on fait tourner rapidement, jouant ainsi sur la persistance rétinienne), le phénakistiscope (1832 – utilisation d’un disque percé de fentes qui permet de répéter indéfiniment à chaque tour de disque un dessin animé), le zootrope (1834 – cylindre percé de fentes permettant à plusieurs personnes d’assister à la synthèse d’un mouvement animé phase par phase sur une longue bande de papier) et une dizaine d’autres inventions entre 1849 et 1870, avant qu’Emile Reynaud n’invente le praxinoscope en 1876.

Né en 1944, Emile Reynaud était à la fois un ingénieur diplômé en mécanique de précision, artiste, photographe et professeur de sciences. Et il fut aussi assistant en projections lumineuses auprès de l'Abbé Moigno. C’est au Puy-en-Velay qu’en avril 1876, en suivant les instructions d'un article dans la revue scientifique Nature qu'il met au point son premier jouet d’optique: il fabrique un phénakistiscope mais jugeant peu pratique l’emploi du miroir extérieur, il installe sur l’axe principal une boîte à biscuits ronde, en métal brillant.

Le praxinoscope, un jouet qui tourne en boucle
Le praxinoscope a la particularité de restituer le mouvement dessiné avec une qualité incomparable à l’époque. Au lieu de voir une douzaine de dessins s’animer d’un même mouvement, la couronne de miroirs isole pour l’observateur une seule figure.
Emile Reynaud constate que ce manège fonctionne sans avoir besoin de percer des fentes, éléments indispensables du zootrope et du phénakistiscope. L’observation directe sur des miroirs collés sur la paroi extérieure de la boîte rend les images à la fois plus nettes et plus lumineuses.
L’invention est présentée à l’Exposition universelle de 1878 à Paris et remporte un succès commercial. Mais Emile Reynaud est un homme de spectacle et il cherche à transformer son invention en théâtre miniature (Praxinoscope théâtre, 1879) puis en appareil de projection sur un écran (Praxinoscope à projection, 1880).

Du jouet optique au spectacle d’écran
En 1888, il dépose le brevet de son Théâtre optique. Pour faire sortir l’animation du cycle sans fin, et ainsi, pouvoir raconter des histoires, Reynaud trouve un système pour augmenter indéfiniment le nombre d’images. Il utilise pour cela une bande souple perforée s’enroulant sur des bobines solidaires de la couronne de miroirs grâce à des « boutons » venant s’enfoncer dans ses perforations. Et « par un ingénieux système d’objectifs et de miroirs, les images passant devant une source lumineuse intense sont tour à tour projetées sur un écran translucide derrière lequel prend place le public. » (1) Ainsi, il projette de véritables petits dessins animés appelés pantomines lumineuses, dès le 28 oct. 1892.
« Jusqu’en mars 1900, plus de 500 000 personnes assistent à ces projections. Le dessin animé était né [mais] il ne deviendra cinématographique qu’avec Emile Cohl en 1908. » (2)
Ainsi, grâce à Emile Reynaud, les prémices de l'animation sont entrées dans le domaine du spectacle sur écran.

« Après l’arrivée du Cinématographe des frères Lumière en 1895, la fin des projections au Musée Grévin et le déclin de son entreprise de fabrication de praxinoscopes, Émile Reynaud se lance dans la conception de sa dernière invention, le Stéréo Cinéma (1907) mais sans parvenir à son objectif : la projection animée en relief. Il est alors contraint de renoncer à ses travaux, revend une partie de son matériel et détruit son Théâtre optique, avant de jeter dans la Seine une grande partie de sa production. Seules échappent à la noyade les deux pantomimes Pauvre Pierrot et Autour d'une Cabine.»(2)

Petite anecdote pour finir
En décembre 1877, Emile Reynaud regagne Paris pour s’installer au 58 de la rue Rodier, dans le 9ème arrondissement où il se consacre à l’assemblage et à la commercialisation de ses praxinoscopes. Et coincidence, les locaux de l'Afca sont situés au 53 bis de la rue Rodier...

Pour plus d'informations sur la vie, les inventions et les hommages rendus à Emile Reynaud allez surfer sur le site www.emilereynaud.fr, édité par l'association Les Amis d'Emile Reynaud qui oeuvre pour défendre, promouvoir et inventorier le patrimoine et l'œuvre de l'inventeur. Un certain nombre d'événements sont prévus au cours du dernier trimestre 2009, notamment à la Cinémathèque française.



(1) - Lumière et mouvement. Les origines du cinéma, publication d'une présentation des collections du CICA/Château Musée d’Annecy, p.22-25, mai 1989
(2) - D'après la biographie d'E.Reynaud publiée sur www.emilereynaud.fr